2002 : le parti de la réforme est mort. Vive la réforme ?

Les élections de 2002 ont bouleversé la vie politique française : explosion au premier tour de l’abstention, du vote populiste, comme dans beaucoup de pays d’Europe, et des votes protestataires, ce qui est une singularité française ; second tour des présidentielles sans réelle possibilité d’alternance ; création de l’UMP qui domine immédiatement sans partage l’Assemblée nationale ; parti socialiste apparemment dominant au sein de la gauche parlementaire, mais profondément divisé et sans projet clair après une législature passée à composer avec les composantes de la gauche dite plurielle.

 

Au-delà de ces évènements spectaculaires, ce sont de plus profondes transformations qui sont à l’œuvre : l’identité individuelle est de plus en plus constituée par l’intersection d’une multiplicité de mondes vécus ; elle ne se réfère plus spontanément à de grandes institutions créatrices d’identités partagées, et ce mouvement accélère la fragmentation de la vie politique.

 

Les grands partis de gouvernement se sont présentés aux élections sans programmes clairement distincts – la droite ne s’étant au fond différenciée que sur le thème de la sécurité. Ni les uns ni les autres n’ont montré une réelle volonté de réforme, alors même que leurs dirigeants, en privé, se déclarent d’ardents réformateurs. A droite comme à gauche, s’élaborait en réalité un diagnostic largement partagé sur ce qui ne va pas en France, et sur ce qu’il convient de faire.

 

Ce « programme commun » a été développé, depuis plusieurs décennies, par un « parti de la réforme » largement issu de la haute fonction publique, et approchant souvent les problèmes comme des questions non politiques de management public. C’est ce parti de la réforme qui, plus que tout autre, a perdu les élections.

 

Les électeurs ne retrouveront demain les chemins des urnes pour y voter pour les partis de gouvernement que si la gauche et la droite retrouvent une capacité à définir des programmes forts, clairement distincts, recréant la possibilité d’une alternance qui ne soit pas simplement celle des équipes mais aussi celle des politiques.

 

La majorité actuelle a tous les instruments en main pour gouverner. Voudra-t-elle réellement réformer ? Ce n’est pas encore certain, mais elle n’y parviendra en tout cas que si elle adopte un projet politique réellement libéral. L’opposition est K.O. debout. Pourra-t-elle un jour mobiliser à nouveau autour d’un projet fort ? Elle devra pour cela accepter une fois pour toutes de reconnaître qu’elle doit œuvrer dans le cadre d’une économie de marché et d’une société libérale, et que sa mission est d’y promouvoir la justice sociale par la lutte contre les inégalités.

 

Les auteurs

Stéphane Boujnah

Philippe Crouzet

Zaki Laïdi

Gilles de Margerie

Denis Olivennes

Bernard Spitz