Bercy : la réforme sans le grand soir ?

L’échec de la réforme de Bercy engagée par le gouvernement Jospin en 1999 a souvent été perçu comme l’expression d’une difficulté structurelle de l’Etat à se réformer et au-delà comme le reflet d’une faible préférence française pour la réforme. Le texte de François Villeroy de Galhau, qui fut un des artisans de ce projet avorté, nuance fortement cette interprétation.

Pour lui, la « réforme de l’Etat » peut au mieux exprimer une volonté politique générale. Elle ne saurait constituer en soi un programme d’action et ceci pour une raison à la fois forte et simple : on ne peut pas réformer l’Etat dans son ensemble. On peut bien plutôt réformer dans l’Etat. Celui-ci constitue en effet un ensemble institutionnel et sociologique trop vaste, trop hétérogène pour penser qu’il suffirait d’avoir la volonté de le réformer pour le faire effectivement à Bercy, comme à l’Education Nationale, dans les hôpitaux comme au CNRS.

Le grand soir de la réforme de l’Etat n’aura donc pas lieu.

Comment donc réformer dans l’Etat sans perspective de grand soir ?

C’est précisément là que la contribution de François Villeroy de Galhau est essentielle. En s’appuyant sur la manière dont une réforme tranquille s’est en quelque sorte installée à Bercy malgré l’échec de l’an 2000, il propose à partir de son expérience de directeur général des impôts, une méthodologie de la réforme, qui passe par la réunion de trois conditions essentielles : la création d’une coalition des acteurs réformistes capable d’associer les acteurs de la réforme à son projet, la définition d’un espace-temps pour cette réforme par le contrat, la définition d’une finalité sociale et non pas seulement administrative de la réforme.

Dans le cas de Bercy, cette finalité était simple : placer la réforme au service de l’usager plutôt que continuer à placer l’usager au service de l’administration Pour parvenir à cet objectif simple, mais extrêmement délicat à mettre en œuvre, il a fallu que les agents de l’Etat puissent être convaincus que la mise en place de critères de performance, que le développement d’une culture de l’évaluation et que l’instauration d’une norme de productivité sont, à terme, des facteurs de revalorisation de la fonction publique et non des manœuvres destinées à la déstabiliser. C’est peut-être là que les choses ont commencé à changer. Une volonté politique claire, des principes simples, une mise en œuvre très complexe laissée à la responsabilité de managers de l’Etat et non aux politiques, tels sont les ingrédients essentiels de la réforme. Parlons moins de la réforme de l’Etat. Faisons plus de réformes dans l’Etat. Tel est le sens des propos de l’auteur.

Aux yeux de ceux qui déplorent l’immobilisme de l’Etat ou rêvent d’un impossible « grand soir » de la réforme, le propos de François Villeroy de Galhau pourra paraître décevant ou trop optimiste. Mais à ceux que lassent les exercices rhétoriques généraux et abstraits, ce texte apparaîtra comme un encouragement. Reste bien évidemment à savoir si le rebond discret de Bercy, analysé ici en détail, pourra servir de référence à d’autres lieux où la réforme se fait cruellement attendre.

L'auteur

François Villeroy de Galhau

Président de Cetelem

François Villeroy de Galhau a été directeur de cabinet de MM Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter, avant d’occuper les fonctions de directeur général des impôts jusqu’en 2003. Il est aujourd’hui président de Cetelem.