George W. Bush a été élu président des Etats-Unis en 2000 avec moins de voix que son adversaire, Al Gore. Le décompte des voix a été âprement controversé dans l’Etat de Floride. Tout le monde sait cela, et ces deux faits sont considérés, le plus souvent, comme des bizarreries un peu mineures des institutions américaines. Après sa prise de fonctions, la légitimité de George W. Bush comme président élu des Etats-Unis n’a d’ailleurs plus fait l’objet de débats majeurs. Beaucoup ont vu en cela un signe supplémentaire de la confiance inébranlable des Américains dans leur constitution et le fonctionnement de leur démocratie.
Le texte de Jamin Raskin que publie En Temps Réel propose une perspective très différente. Il met en lumière qu’il n’existe pas aux Etats-Unis de règles constitutionnelles garantissant le droit de vote des citoyens ; c’est au niveau des Etats fédérés que se définissent les modalités de participation aux élections présidentielles. Loin d’être un anachronisme anodin, le système d’élection à deux degrés avec un collège électoral a une origine politique très marquée. Il produit aujourd’hui encore des effets majeurs sur le déroulement des campagnes, qui se concentrent sur un tout petit nombre d’Etats pivots pouvant basculer vers un camp ou l’autre. L’enjeu y est lourd, puisque, dans la quasi-totalité des Etats, les voix du collège électoral vont en totalité vers le candidat qui y a recueilli la majorité. Ce système introduit des distorsions importantes d’un Etat à l’autre sur le poids de l’électeur individuel dans le collège électoral.
Les habitants des territoires d’outre-mer qui n’ont pas le statut d’Etat (Porto Rico par exemple) n’ont pas le droit de vote aux élections présidentielles. Un très grand nombre de personnes ayant fait l’objet de condamnations pénales en sont également exclues. Ce sont plus de huit millions de citoyens américains qui sont ainsi privés du droit de participer aux élections. Ces exclusions pèsent de manière disproportionnée sur les minorités afroaméricaines ou « hispaniques ». Enfin, de nombreuses barrières sont opposées à l’apparition des candidats qui ne sont pas issus des deux grands partis.
Loin d’être anodines, les modalités de l’exercice du droit de vote ont ainsi des conséquences considérables sur le fonctionnement de la démocratie américaine. C’est à une très profonde réforme du droit de vote en Amérique qu’invite donc Jamin Raskin dans un texte engagé et stimulant.