Investir de façon socialement responsable (l’ISR), c’est faire l’hypothèse que son investissement peut changer le monde, mais c’est aussi investir avec un espoir de rentabilité. Comment concilier les deux sans tomber dans l’angélisme ?
Augustin Landier et Vinay Nair, qui enseignent tous deux la finance à la Stern Business School de New York University, proposent dans ce cahier une méthode qui permet de sortir des bons sentiments, dans une approche qui vise à avoir un impact réel sur le comportement des entreprises tout en obtenant des rendements similaires à ceux d’approches classiques.
Vis-à-vis de l’ISR, ils observent trois catégories d’investisseurs : les Intransigeants, qui préfèrent éviter des entreprises ou des secteurs tout entiers qu’ils considèrent incompatibles avec leurs valeurs, mais courent le double risque de ne pouvoir réussir à améliorer le monde et de détériorer leurs rendements ; les Pragmatiques, qui souhaitent changer le monde par leurs investissements, à condition que le coût en soit limité ; les Arbitrageurs, qui n’utilisent pas l’investissement pour exprimer leurs valeurs, mais dont certains sont convaincus que les entreprises soucieuses d’ISR ont de meilleures performances que les autres
Ils montrent qu’il est possible d’aller dans la direction préconisée par les pragmatiques, et de rallier les arbitrageurs, avec une approche fondée sur la théorie moderne du portefeuille, en adoptant une pondération neutre vis à vis des secteurs, mais en retenant dans chaque secteur les entreprises dont la « notation » ISR est la meilleure. Une analyse chiffrée montre qu’une telle approche peut donner des performances très similaires à celles d’une approche indicielle classique.
Le « doing well by doing good » peut ainsi cesser d’être une vue de l’esprit. Des politiques d’investissement conçues sur cette base peuvent jouer un rôle d’aggrégateur mondial des valeurs et avoir un impact réel sur le comportement des entreprises.