Au cœur du rapport entre les grandes puissances, on trouve leurs croissances internes et donc leurs capacités d’innovation technologique. C’est dire ce qu’a de paradoxal le fait qu’au nombre vertigineux d’analyses de la croissance de la Chine répondent tant de généralités ou de fausses informations sur sa prétendue faible capacité d’innovation.
Longtemps, il est vrai, la Chine a brouillé les cartes. Et pour cause : jouer de son statut de pays en développement lui permet d’encourager les gouvernements des pays industrialisés et les firmes internationales à transférer leur savoir pour accéder à son marché intérieur. Elle en a acquis la réputation d’être incapable soit d’innover soit de concevoir les ruptures qui généreront les technologies de demain au point de ne pas s’interdire de violer les principes du commerce international et de la propriété intellectuelle.
En Temps Réel se réjouit donc de poursuivre ses travaux sur la Chine par les réflexions de Cyril Bouyeure sur l’innovation technologique chinoise. L’auteur montre ici que cette innovation prend une forme très différente de la triade occidentale conceptualisation-dissémination-industrialisation. Il en tire une conclusion sans appel : la Chine est déjà devenue un acteur de premier plan de l’innovation technologique.
Cyril Bouyeure montre d’abord combien relative est la prétendue faiblesse chinoise en matière d’innovation technologique. Bien sûr, la science, et notamment la recherche fondamentale, reste moins valorisée en Chine que dans les grands pays industrialisés. Mais elle est bien moins négligeable qu’on le dit : la Chine a bien su négocier des transferts technologiques, mais elle n’a pas oublier d’évoluer en interne pour compter aujourd’hui la troisième population mondiale de chercheurs, être le deuxième producteur mondial de publications scientifiques et avoir le troisième budget mondial de R&D. Les résultats obtenus dans le domaine des sciences physiques et de leurs applications dans le domaine spatial, nucléaire… et dans celui des systèmes de calcul complexe dans les domaines des équipements de transport et d’énergie indiquent bien que la Chine n’est plus du tout en retard dans ces technologies. Il faut donc le prendre pour un acquis : la Chine est désormais résolument embarquée dans une dynamique largement sous-estimée de capitalisation de l’innovation, dont ce Cahier met en lumière quatre éléments…