En septembre 2004, Pascal Lamy, alors Commissaire européen en charge du commerce international, publiait un texte qui allait marquer durablement le débat international : « L’émergence des préférences collectives dans le champ de l’échange international : quelles implications pour la régulation de la mondialisation ? ». Au cours du mois de décembre suivant, En Temps Réel organisait autour de lui une rencontre sur le thème : « Y a-t-il des limites sociales à l’ouverture des marchés ? ». Steve Charnovitz et Charles Wyplosz y présentaient leurs réactions aux thèses défendues par Pascal Lamy.
Ce cahier réunit le texte originel de Pascal Lamy, ainsi que l’article de Steve Charnovitz publié en décembre 2004 dans le Journal of International Economic Law2 qui reprend et développe son intervention lors de la rencontre de décembre, et une texte rédigé par Charles Wyplosz, où il synthétise et actualise son propos lors de la même rencontre3 . En Temps Réel les remercie tous les trois de permettre la publication en un seul document de points de vue dont la réunion donne une bonne idée de certains des débats majeurs que Pascal Lamy aura à mener dans ses nouvelles fonctions de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce.
Notre reconnaissance va également à Zaki Laïdi qui a organisé la rencontre de décembre 2004 et pris l’initiative de la publication de ce cahier.
Le négociateur international qu’est Pascal Lamy a vu maintes fois s’affronter les logiques de la mondialisation et celles des préférences collectives ; le coeur de sa proposition est d’en prendre acte pour, dans des cas et selon des méthodes bien définis, permettre aux pays de faire jouer une clause de sauvegarde spéciale invoquant ces préférences collectives, et accompagnée de compensations. Steve Charnovitz examine en détail les problèmes de principe et de mise en oeuvre que poseraient de telles clauses, les compare avec les pratiques actuelles de l’OMC, et parie sur le maintien du statu quo. Charles Wyplosz les analyse au regard de la théorie économique des droits de propriété, et conclut que l’invocation des préférences collectives risque de conduire à ce que les pays riches imposent les leurs aux pays pauvres.